Depuis quelques jours on peut voir fleurir sur twitter de nombreux messages comportant le hashtag “Etudiants Fantômes". J’ai de plus en plus envie de m’exprimer sur le sujet mais 280 caractères ne suffiront pas pour structurer tout ça, alors je passe par ici. Je sais que beaucoup ici sont habitués à me voir parler de musique, de livre et j’en passe mais c’est le lieu où je me sens plus libre pour m’exprimer et à l'aise pour mettre des mots sur tout ce qui se passe en ce moment. Je pense qu’il va falloir s’habituer à avoir des articles de ce style ici. 

Ce hashtag est né par le sentiment grandissant d’être les oubliés de ce confinement, de la crise. Les conférences de presse se suivent et se ressemblent, aucun mot sur nous, ou alors très peu, juste assez pour dire que tout reste inchangé. Sans parler de la ministre qui n’est venue qu’une seule fois en conférence de presse depuis le début de la crise. J’ai tendance à penser après avoir entendu certains propos de la ministre Frédérique Vidal qu’elle nous prend pour des enfants irresponsables, incapables de suivre les consignes sanitaires. Or quand il était question de nous faire venir à la fac pour nos partiels, il n’y avait aucun problème. On avait la sensation que le virus n’existait plus. Certains ont eu peur d’aller à ces épreuves, car à force de vivre dans ce climat anxiogène, des angoisses grandissent : la peur de l’autre et du virus. 

Dans mon cas personnel, aujourd’hui, je m’en sors mieux à distance qu’en présentiel mais ça n’a pas toujours été le cas. Septembre et octobre ont été dans une course permanente avec un emploi du temps à trou, j’avais la sensation de sourire tout le temps et je rentrais chez moi le soir je n’avais plus envie de rien. Je n’arrivais plus à bosser, relire mes cours. J’ai rêvé du moment où ils fermeraient les fac pour que je puisse faire à mon rythme, pour pouvoir me retrouver me recentrer. Cependant, je sais que c’est une façon de travailler qui ne convient pas à tout le monde, ça provoque énormément d’isolement. Ce hashtag c’est aussi une façon de mettre en avant ces étudiants qui n’y arrivent pas pour qu’ils soient enfin écoutés et surtout entendus. On a pu observer depuis le premier confinement que le nombre d’étudiants en dépression augmenter tout comme le nombre de tentative suicide. On a aussi pu lire beaucoup d’avis sur ces dépressions, beaucoup de critiques comme quoi si un pauvre confinement nous poussait à la dépression c’était que c’était dû à une fragilité psychique déjà existence. 

L’isolement, ne plus avoir d’interaction sociale, plus d’accès à ce qui rythme notre vie n’aide pas. On se retrouve sans ressources face à des profs qui sont souvent complètement perdus dans cette situation. Pour le premier confinement je n’ai pas eu un seul cours en Visio, juste des pavés balancés comme ça, à ingurgiter sans suivi. Puis des partiels où l’on te dit que la notation sera plus sévère parce que tu es chez toi. Tu dois faire des exposés sans accès à la bibliothèque et tu te prends dans la figure que ton dossier n’est pas complet, que ça manque d’apport bibliographique. Les devoirs sous forme de dossiers augmentent, les mauvaises notes tombent, s'enchaînent. Petit à petit on perd la motivation, t’as personne autour de toi qui arrive à te motiver. Tu commences à te couper encore plus du monde, tu réponds plus aux messages, tu t’enfermes. Quand t’as la chance de ne pas vivre seul, t’as même plus envie de parler avec eux, ni de les voir.  Tu deviens de plus en plus agressif, normal tu ne dors pas la nuit. Le peu de fois où tu fermes les yeux, tu fais des cauchemars. T’arrêtes de lutter, tu restes éveillé toute la nuit, à trop réfléchir parce que quand tout le monde dors il n'y a que ça à faire, tu commences à avoir des idées noires. Tu te demandes à quoi tu sers. Tu ne vois plus ton avenir dans ce monde qui s’embrase. Là y a ceux qui passe à l’acte et y a ceux qui finissent par voir le bout de ce tunnel infernal. Pour ceux qui ne comprennent toujours pas, j’espère que vous n’aurez jamais à vivre ça, parce que le plus dur ce n’est pas de tomber. Ça va très vite, t’es déjà sous terre quand tu te rends compte de ce qui t’arrive. Le plus dur c’est de se relever. 

Comment je le sais ? J’ai passé plusieurs nuits à essayer de trouver l'intérêt de ma place sur terre mais aussi à faire le pour et le contre pour savoir si ça valait le coup de continuer,  pendant le premier confinement. Je me suis accrochée à la petite lueur de vie que j’avais et aux personnes qui même à plus 500km de moi continuaient à me soutenir. Ça m'a permis de me relever et de me rendre compte plusieurs mois après à quel point j’avais été mal, surtout combien la situation m'avait épuisée moralement. Aujourd’hui cet épuisement je le ressens encore, je sature mais je vais mieux parce que j’ai su prendre conscience de mon mal être et travailler dessus, parce que j’ai su trouver les bonnes personnes au bon moment. Malheureusement, la chance que j’ai eu tout le monde ne l’a pas, certains ont besoin de plus, on besoin qu’on aille vers eux, qu’on leur montre qu’ils sont tout aussi importants que n’importe qui et qu’on les considère. Même si je sais que le retour en présentiel ne m’aidera pas forcément, c'est une évidence que pour certains étudiants ça devient une nécessité. C’est quelque chose qui, j’en ai conscience, nécessite un protocole sanitaire compliqué à mettre en place. Quand on est à la fac on entend souvent ce discours ou surtout on le lit souvent dans les mails. Si on peut mettre une trentaine de collégiens dans leur salle de classes habituelles, on peut mettre plus de 10 étudiants dans des amphis qui peuvent en contenir des centaines. Surtout pour ceux qui sont demandeurs de cette reprise.  

Attention, je ne dis pas que les étudiants sont les seuls à souffrir de tout ça, loin de là je pense à tous ceux du monde de la culture qui est totalement à l’arrêt, tout comme les restaurants, les bars, le monde de la nuit. Je pense aussi à nos aînés qui sont tout aussi isolés que nous. Bref, je ne vais pas faire la liste complète c'était juste pour signaler que n’importe qui  peut être mal et qu’il est important d’ouvrir les yeux, d'être attentif aux gens qui nous entourent et surtout il ne faut pas laisser les gens s’isoler encore plus, un petit rien peut faire énormément.

Prenez soin de vous et de vos proches !

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